Khmers rouges : plongée dans l'horreur du génocide cambodgien
- kevinbessiere
- 27 janv. 2024
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 janv. 2024

Est-ce qu'on est vraiment prêt un jour à affronter de telles horreurs ? À Phnom Penh et ses alentours, le musée du génocide de Toul Sleng et le mémorial du génocide de Choeung Ek racontent la prise de pouvoir des Khmers rouges, en 1975, et le traitement réservé à ceux considérés comme hostiles ou dangereux pour le pouvoir. En quatre ans, un quart de la population cambodgienne a été assassinée par les hommes de Pol Pot.
Tout commence donc en 1975, quand les Khmers rouges entrent dans la capitale. Trois heures après son arrivée dans la ville, le 17 avril, l'armée décide d'évacuer toute la population vers les zones rurales. Une manœuvre réalisée dans toutes les villes du pays. Elle assure à ceux qui demandent pourquoi que Phnom Penh sera bientôt bombardée par les États-Unis. Le véritable plan de cet exode massif de la population est de mettre tout le monde au service de l'Angkar, l'Organisation, notamment dans les milieux agricoles. Pour redonner le pouvoir au "peuple de base". Les Cambodgiens se retrouvent surtout dans une situation d'esclavage, avec des objectifs intenables fixés par le pouvoir, pour espérer atteindre l'autosuffisance.
Le musée du génocide de Toul Sleng est aussi appelé S-21 et constituait un centre de détention secret dans un Phnom Penh déserté. Dès les premiers pas dans cet ancien lycée, on est plongé dans l'ambiance. Les premières salles visitées sont celles réservées à la torture des prisonniers, sur des sommiers sans matelas. Quelques photos montrent l'état des salles quand l'armée vietnamienne a découvert le lieu, avec les 14 dernières victimes de cette prison. Tout laissé en l'état, on sent toute l'horrible histoire vécue entre ces murs et on ne s'attarde pas dans les pièces.

La visite se poursuit avec des visages d'hommes et de femmes. D'un côté, les prisonniers, dont certains n'avaient commis comme seul crime que de porter des lunettes, et de l'autre, leurs tortionnaires. Et on comprend toute la déshumanisation des victimes, appelées par des numéros et non plus leurs prénoms.
Le troisième bâtiment est celui qui ressemble le plus à ce qu'était la prison quand elle a été découverte. Des barbelés partout pour ne laisser aucune chance de survie... ou de suicide en sautant d'un étage aux prisonniers. Chaque salle de classe est décomposée en cellules, avec des murs en brique pour créer des espaces minuscules, accueillant parfois plusieurs prisonniers. Ces pièces s'enchaînent comme un long couloir, laissant prendre conscience des conditions très précaires de détention. Le seul but de cette prison était de faire avouer aux prisonniers des actes contre le pouvoir, même si c'était faux. Un Néo-Zélandais qui naviguait en eaux cambodgienne au moment de la prise du pouvoir s'est ainsi retrouvé piégé et a reconnu des liens avec le Colonel Sanders, du KFC, comme s'il était un espion de la CIA. Au total, on compte entre 12000 et 20000 prisonniers au S-21, pour 12 survivants attestés.

Car, après la torture, une fois que les aveux, même faux, étaient rédigés et ratifiés, les prisonniers étaient emmenés à Choeung Ek. Alors qu'on leur promettait une nouvelle vie meilleure, ils ne savaient pas que la demi-heure de route les séparaient en fait des Killing Fields. À peine descendus du camion, chaque arrivant se retrouvait enregistré dans le registre. Comme c'était le cas pour tout le monde, ils étaient transportés devant une fosse commune et assassinés. Le tout de nuit avec des chants révolutionnaires crachés à fond par des enceintes pour cacher leurs cris. Car les prisonniers n'étaient pas abattus par balle. Non, car une balle ça coûte cher, c'est trop précieux... Alors les bourreaux faisaient avec les moyens du bord, à la machette, à la pelle, au bâtons... Les prisonniers étaient battus à mort.
Une fois les corps plongés dans leur dernière demeure, ils étaient recouverts d'insecticide pour achever les éventuels survivants et masquer les odeurs des corps en décomposition pour éviter d'éveiller les soupçons des paysans environnants. Au total, 129 fosses communes ont été répertoriées, dont une remplie de femmes, pour la plupart dénudée, et d'enfants qui avaient été tués la tête fracassée contre un arbre. Avec le temps, les saisons des pluies et des mouvements de terrain, certains ossements, vêtements ou dents ressortent encore aujourd'hui de terre. Ce mémorial de Choeung Ek reçoit des centaines de touristes par jour mais le calme et le silence planent près de toutes ces fosses communes. En même temps, au fur et à mesure que l'on avance ici, on découvre à chaque pas un nouveau degré de l'horreur. La visite se termine par la stupa du souvenir, dans laquelle se trouve de nombreux ossements, crânes ou outils agricoles ayant servi à achever les victimes dans cet endroit.

Cette journée a constitué un vrai choc pour nous. On savait de quoi l'Homme était capable, mais y être confronté de cette façon, et avec une telle ampleur, a rendu ces deux visites très particulières, riches d'enseignement et profondément écœurantes. On s'attendait au pire, ces deux endroits ont largement dépassé nos attentes.
Une nouvelle preuve que vous dépassez la simple exploration touristique des pays visités. Vous voulez saisir leur âme même sombre, comprendre leur réalité. Article éducatif, émouvant. Merci Kevin.